Franchissez les portes massives de Mdina et le monde moderne s’efface d’un coup. Le silence vous saisit comme une vague, presque oppressant dans sa densité. Vos pas résonnent sur les pavés tandis que les façades de pierre calcaire dorée vous observent, gardant jalousement les secrets de 4000 ans d’histoire. Nous avons parcouru cette cité hors du temps à plusieurs reprises, et chaque visite nous plonge dans cette sensation étrange de voyager à rebours, comme si chaque pierre portait le poids des siècles. Ici, pas de moteurs qui vrombissent, pas de klaxons stridents, juste le murmure du vent entre les ruelles étroites et le chant lointain des oiseaux perchés sur les remparts. Ce qui vous attend derrière ces fortifications médiévales dépasse largement ce qu’on peut imaginer depuis l’extérieur.
4000 ans d’histoire gravés dans la pierre
L’histoire de Mdina commence bien avant notre ère, quelque part au VIIIe siècle avant J.-C., quand les Phéniciens fondent ce qui s’appelait alors Maleth. Perchée sur sa colline stratégique, loin des côtes vulnérables, la cité devient rapidement un point névralgique de l’archipel maltais. Les Romains arrivent ensuite et rebaptisent la ville Melite, en faisant la capitale administrative de Malte. C’est durant cette période que saint Paul, après son naufrage légendaire en l’an 60 de notre ère, aurait foulé ces terres et commencé à répandre le christianisme dans l’île, transformant à jamais l’identité culturelle de Mdina.
Mais c’est vraiment avec l’occupation arabe, entre 870 et 1091, que Mdina prend son visage actuel. Les Arabes fortifient la ville, la séparent de Rabat voisine, et lui donnent son nom dérivé du mot arabe medina, qui désigne la partie ancienne d’une cité. Le plan urbain labyrinthique, ces ruelles étroites qui s’entrecroisent sans logique apparente, ce sont eux qui l’ont conçu. Puis viennent les Normands, suivis des Chevaliers de l’Ordre de Malte en 1530, qui décident de déplacer la capitale vers La Valette pour des raisons portuaires. Paradoxalement, ce déclin sauve Mdina de la modernisation. Figée dans le temps, la ville devient le refuge de la noblesse maltaise qui préserve son patrimoine avec dévotion.
Chaque civilisation a laissé sa marque architecturale visible aujourd’hui dans les rues de Mdina :
- Période phénicienne et romaine : fondations urbaines initiales, domus romaine encore visible à proximité
- Époque arabe : plan urbain en dédale, ruelles sinueuses caractéristiques, fortifications renforcées
- Ère normande et médiévale : églises gothiques, palais nobles, renforcement des remparts
- Période baroque après 1693 : reconstruction suite au tremblement de terre, cathédrale Saint-Paul, façades ornées
Pourquoi on l’appelle vraiment “la Ville Silencieuse”
Le surnom n’a rien de poétique, il décrit une réalité concrète qui frappe tous les visiteurs dès les premiers pas à l’intérieur des remparts. Aucun véhicule privé ni bus n’est autorisé dans Mdina, à l’exception des habitants et des véhicules de service. Seulement 300 personnes vivent encore entre ces murs millénaires, principalement des descendants de l’ancienne noblesse maltaise qui entretiennent les palais familiaux avec un soin presque religieux. Cette population minuscule, combinée à l’absence totale de circulation automobile, crée une atmosphère que nous n’avons retrouvée nulle part ailleurs en Méditerranée.
Déambuler dans ces ruelles, c’est redécouvrir ce que signifie vraiment le mot “silence”. Vos pas résonnent contre les hauts murs de pierre calcaire, chaque conversation se transforme en chuchotement naturel, presque par respect pour ce calme ancestral. Les oiseaux nichés dans les bougainvilliers pourpres deviennent la bande-son principale de votre visite. Quand vous venez de l’agitation perpétuelle de La Valette ou des zones touristiques côtières, le contraste vous percute comme un mur invisible. Cette quiétude n’est pas artificielle, elle fait partie de l’ADN de Mdina depuis que la capitale s’est déplacée il y a près de cinq siècles. On apprécie ou on déteste, mais on ne reste jamais indifférent face à ce silence qui en dit plus long que n’importe quel discours sur le passage du temps.
L’architecture baroque et médiévale qui vous laissera sans voix
Mdina vous offre un spectacle architectural unique où le médiéval et le baroque cohabitent dans une harmonie troublante. Le plan urbain arabe a survécu aux siècles : ces ruelles étroites qui serpentent sans logique apparente, ces impasses qui vous forcent à rebrousser chemin, ces passages voûtés qui créent des jeux d’ombre et de lumière. Mais le terrible tremblement de terre de 1693, qui a dévasté la Sicile orientale et touché Malte, a obligé à reconstruire une grande partie de la ville. L’architecte maltais Lorenzo Gafa s’est chargé de la cathédrale tandis que le Français Charles François de Mondion supervisait la restauration des remparts et des édifices civils.
Ce qui nous fascine à chaque visite, ce sont ces façades de pierre calcaire dorée qui changent de couleur selon l’heure du jour. Au lever du soleil, elles prennent des teintes miel, tandis qu’au crépuscule elles virent à l’ocre profond. Les palais nobles alignent leurs frontons sculptés, leurs balcons en bois peint, leurs heurtoirs de porte en bronze massif représentant des dauphins ou des lions. Les bougainvilliers débordent des terrasses, explosant en cascades violettes contre la sobriété minérale des façades. Mdina a été désignée Zone de Conservation Urbaine, reconnaissance de son importance patrimoniale exceptionnelle qui oblige les propriétaires à préserver chaque détail architectural.
Les incontournables à ne manquer sous aucun prétexte
La Cathédrale Saint-Paul domine le cœur de Mdina avec sa façade baroque reconstruite après 1693. L’intérieur vous coupe le souffle : un sol entier en marbre sculpté et gravé, sous lequel reposent les tombes de plusieurs Grands Maîtres de l’Ordre de Malte. Les voûtes peintes, les autels dorés à la feuille, les colonnes de marbre polychrome composent un ensemble d’une richesse rarement égalée. Astuce pratique : l’entrée devient gratuite durant les offices religieux, mais attendez-vous à respecter le silence et la solennité du moment.
Le Palazzo De Piro, datant du XVIIe siècle, mérite absolument le détour. Transformé en centre culturel, il offre une terrasse panoramique gratuite sur le nord de Malte où le regard embrasse Mosta et sa rotonde monumentale, les villages environnants jusqu’à la Méditerranée scintillante. Les remparts eux-mêmes constituent une promenade incontournable, avec des points de vue vertigineux sur l’île entière. Le Palazzo Falson abrite une collection d’art fascinante et un café en terrasse où vous pourrez souffler après avoir arpenté les ruelles. Les douves médiévales ont été transformées en jardins ombragés, le Moat Garden, parfait refuge lors des après-midis d’été écrasants.
| Monument | Tarif | Durée conseillée | Point fort |
|---|---|---|---|
| Cathédrale Saint-Paul | 10€ (gratuit durant offices) | 45 min | Sol en marbre sculpté, richesse baroque |
| Palazzo De Piro | Gratuit | 30 min | Terrasse panoramique exceptionnelle |
| Palazzo Falson | 10€ | 1h | Collection d’art, café en terrasse |
| Remparts | Gratuit | 20 min | Vues à 360° sur l’île entière |
| The Moat Garden | Gratuit | 15 min | Jardins ombragés dans les douves |
Quand Game of Thrones a transformé Mdina en King’s Landing
Avant que Dubrovnik ne devienne l’incarnation définitive de King’s Landing, c’est Mdina qui a servi de décor à la capitale des Sept Royaumes dans la première saison de Game of Thrones. La production a débarqué en 2010, transformant la porte principale de Mdina en entrée majestueuse de la ville où règne le Trône de Fer. Dans l’épisode 3 de la saison 1, vous voyez Ned Stark franchir cette porte monumentale, et l’architecture médiévale authentique donne une crédibilité immédiate aux scènes.
La Piazza Mesquita, avec ses façades baroques intactes, a accueilli le duel légendaire entre Ned Stark et Jaime Lannister. Nous avons marché sur ces pavés exacts où les cascadeurs se sont affrontés, et même sans être fan inconditionnel de la série, l’émotion vous prend. Ce qui rend ces lieux spéciaux, c’est qu’ils n’ont pas eu besoin de décors artificiels. L’atmosphère historique suffit amplement, les murs millénaires parlent d’eux-mêmes. Aujourd’hui, les visiteurs cherchent ces angles précis, smartphones à la main, tentant de reproduire les plans cultes. Même les réfractaires aux dragons et aux intrigues politiques de Westeros tombent sous le charme de ces espaces chargés d’histoire authentique.
Où manger dans la cité fortifiée sans se ruiner
Manger à Mdina peut vite devenir hors de prix si vous ne choisissez pas judicieusement vos adresses. Nous avons testé la plupart des restaurants de la cité fortifiée, et voici nos recommandations sans filtre selon votre budget et vos attentes.
Selon votre budget et l’expérience recherchée, voici les meilleures options testées et approuvées :
- Fontanella Tea Gardens (Bastion Street) : l’adresse incontournable pour les budgets serrés (€). La terrasse domine une partie de l’île avec une vue imprenable, l’atmosphère reste décontractée malgré l’affluence touristique. Leurs gâteaux sont généreux, les prix raisonnables, idéal pour une pause sucrée en milieu d’après-midi.
- The Medina Restaurant : notre coup de cœur absolu. Installé dans une résidence normande vieille de 500 ans, avec sa cour intérieure romantique et ses plafonds voûtés d’origine. La cuisine mélange influences méditerranéennes et arabes, les plats sont travaillés sans tomber dans la prétention. Budget moyen-élevé (€€) mais justifié.
- Coogi’s : pour ceux qui cherchent une cuisine italienne solide sans se ruiner (€€). Les pizzas sortent du four à bois, les pâtes sont fraîches, l’ambiance familiale. Rien d’extraordinaire mais efficace quand vous voulez simplement manger correctement.
- De Mondion (Xara Palace) : l’expérience gastronomique haut de gamme (€€€). Si vous voulez vous faire plaisir sans regarder l’addition, c’est là qu’il faut aller. Cuisine raffinée, service impeccable, cadre somptueux dans un palais reconverti en hôtel de luxe. Réservation obligatoire.
Mdina dort avec ses fantômes quand le dernier visiteur franchit les portes au crépuscule, et ce silence retrouvé vaut tous les guides touristiques du monde.
